Un monde sans travail : compte rendu du Débat

Colette : en Nouvelle Calédonie on a des robots au Médipôle. Une douzaine de robots effectuent chacun le travail de 4 à 6 personnes chacun, des robots qui travaillent de 6h à 21 h et qui transportent du linge, les repas et tout le reste dans des tunnels qui relient le pole logistique au pole hospitalier.

Dominique : Je peux même rajouter qu’en brousse les médecins sont déjà remplacés par des robots. Pour les dialyses c’est un robot qui les fait.

La question finale du documentaire est un peu folle.
Comment peut on imaginer se mettre à distribuer des revenus du travail des robots alors que déjà on ne distribue pas les revenus du travail de l’homme.
Dans les années 80 on nous annonçait qu’avec les progrès de la productivité, on travaillerait en 2000 pas plus de 4h par jour– on est déjà en 2018 – pour des revenus qui seraient le double. On en est très, très loin.

Louis : On est donc amené à trouver des solutions. Je trouve que le problème est d’abord fiduciaire parce que la seule solution serait de donner le revenu minimum à chacun mais comment le financer ? Par exemple en taxant les robots.
Là ça renvoie à un problème politique sérieux ; les autres solutions on les connaît mais elles ne sont pas applicables pour des raisons politiques.
Est ce qu’il y a d’autres approches ?

Bruno : En fait ce documentaire est un outil de propagande et un outil de réflexion.
Le revenu de base c’est la pire des choses qui puissent arriver. Le financer n’est pas un problème. Toute société moderne capitaliste en 40 ans double sa richesse.
C’est un problème politique : oui mais on a les politiques qu’on mérite. Et en fait, ces gens là ne sont pas élus par nous. Donc on peut très bien financer le revenu de base, mais c’est juste une escroquerie : le MEDEF milite pour ça actuellement.
En revanche le salaire à vie selon les critères de Bernard Friot, là ça devient une autre chose de vraiment captivant et révolutionnaire. Le revenu de base, si c’est pour donner le double du RSA, tout va augmenter du jour au lendemain : on voit bien en Nouvelle Calédonie quand on essaie de contrôler les prix, ça ne le fait pas.
Oui au salaire à vie non au revenu de base, tout cela est facilement finançable ; il y des modèles qui tournent sur Internet pour le montrer depuis 10 ans.
C’est un problème politique : il faut avoir des politiques qui aient le courage et le soutien de la population pour le faire. Les politiques sont des escrocs à la solde du grand capital. Faut pas attendre tout des autres, c’est à nous de prendre les choses en main pour faire en sorte que ces choses là adviennent.
Pour conclure, il y a deux possibilités : soit un salaire à vie et les gens peuvent continuer à se former et créer de la valeur, soit le salaire de base : un salaire de misère et comme certains le prônent, il faut diviser par 7 la population mondiale, parce que si non, on ne s’en sortira pas. C’est pas très réjouissant mais c’est un peu ce que je ressens. Vous pouvez me contredire : la contradiction c’est bien !

X : Dans votre formule le salaire est il variable ? en fonction de quoi ?

Bruno : selon les critères développés par M. Friot il dépend des qualifications – un peu comme le statut des hauts fonctionnaires-. C’est à dire que vous pouvez avoir un salaire de base minimum à partir de 18 ans disons 200 000 f– moins ou plus, ça peut se discuter, c’est un détail- vous faites une école d’ingénieur, un master, vous allez jusqu’où vous pouvez aller, chaque qualification augmente votre salaire de manière mécanique.
Actuellement il y a des hauts fonctionnaires payés, non pas à rien faire, mais qui ne sont pas en poste. Et ils sont payés par exemple par une société de service public comme EDF, qui salarie des gens qui ne font pas partie de l’entreprise- ça fait 40 ans que ça existe.

Louis : donc votre salaire n’est jamais remis en question par votre travail, vous avez juste une qualification et un salaire à vie ?

Bruno : oui ; si vous allez vous qualifier … vous resteriez assis dans votre coin ?

Louis : oui

Bruno : ça arrive ! Mais quand on demande aux gens : si vous aviez un salaire à vie, arrêteriez vous de bosser ? 70% disent non je continuerai comme avant, 20% disent je continuerai à bosser mais autrement et seuls10% resteraient assis à rien faire.
Aujourd’hui, Qui crée la richesse ? c’est 40% dans les pays industrialisés pour payer les personnes qui ne peuvent pas travailler, c’est à dire les enfants, les malades, les chômeurs, les retraités. En Allemagne c’est 42% de la population qui fournit la richesse. Donc c’est possible d’avoir non seulement un revenu de base mais un salaire à vie

Colette : je me pose des questions pour mes petits enfants. Ma fille médecin, on lui propose de faire de la télé médecine. Mais si les drones et peut être même les avions n’ont plus de pilotes, comment va t on survivre si on n’a pas de travail. C’est un problème et un vrai changement de société.
N’y aurait il pas des jeunes qui veulent parler ? j’aimerais bien savoir comment ils voient tout ça. Je ne vois pas comment la richesse peut être répartie avec le système actuel.

Bruno : je ne veux pas monopoliser la parole. Tout ce qui va faciliter la vie des humains aura lieu. Il y a une quarantaine d’années sont arrivés les supermarchés, tout le monde a crié au scandale, aujourd’hui on ne peut plus faire autrement.
En 40 ans, sans qu’on s’en rende compte, les salaires ont perdu 30% de leur valeur : un ingénieur touche 30% de moins qu’en 1980. Déjà les micro-entreprises qui ont un logiciel de gestion n’ont plus de comptable.
Tout ça va arriver même si ça peut être freiné par la politique, les révolutions, etc… Comment faire pour malgré tout continuer à vivre, et à bien vivre, pas comme les 46 millions d’américains qui sont sous le seuil de pauvreté et en grande partie sous des tentes hé bien ! bon courage. Moi ça m’inquiète un peu : j’ai une gosse de 8 ans

Y : je me dis que de toute façon avec l’intelligence humaine les choses évolueront, des hommes et des femmes vont venir nous apporter des solutions. Le monde ne s’arrêtera pas comme ça parce qu’il y aura ou pas un revenu de base… qui serait calculé comment et par qui ?

Ces questions sans réponse aujourd’hui, espérons que dans 5, 20 ans la réponse arrive.

Jérome : vous avez dit richesse et partage de richesse. Ma question : qu’est ce que la richesse pour l’homme : avoir une voiture, du temps libre, s’éduquer ?
Je trouve le documentaire très bien. On est dans un système où on parle de richesse essentiellement matérielle, ou de services à partager.
Donc moi aussi j’ai foi dans l’avenir de l’homme et je me dis que sa conception de la richesse peut évoluer avec le temps – on a beaucoup évolué, en quelques millions d’années, on s’est séparés du chimpanzé- et avec cette évolution, on pourrait concevoir les choses de manière très différente ; donc ne plus se poser ces questions de partage de richesses telles qu’elles sont posées aujourd’hui.

Colette : c’est vrai, on a une définition bien précise de la richesse dans notre civilisation et c’est difficile d’en concevoir d’autres ; mais il y a quand même un problème de survie, de minimum vital ; et après en effet il y a : qu’est ce que la richesse ?

Jérome : c’est une question philosophique

Bruno : aujourd’hui notre système de société est basé sur la rareté : un livre vaut il plus cher que 10kg de diamants ? Comme il y a plus de livres que de diamants, forcément le diamant est plus cher. Aujourd’hui dans le paradis de la connaissance –la connaissance n’est pas rare- ça ne vaut rien. Tout ce qui est abondant dans nos sociétés aujourd’hui ne vaut rien et comment on renverse ça et effectivement qu’est ce que c’est la richesse ?

Colette : ce documentaire « riche » pose beaucoup de questions… à réfléchir chez soi

Louis : un dernier mot. Je crois que la solution est catastrophique : la population divisée par 7 c’est malheureusement ce qui va arriver. Au moyen age on se tuait pas 10 000, 20000, Napoléon par 100 000, au XXème siècle par million et au XXIème par milliard. Désolé, j’ai craché mon venin.

Sylvie : bonsoir j’ai vraiment été sidérée par le reportage, je ne suis pas naïve, je sais que la robotisation se fera mais effectivement on voit une réalité inévitable : on va être remplacés par les robots ; je vois cette perspective de l’homme construisant des robots pour s’anéantir lui même, le genre humain, tout ça avec l’appui de la finance.
Ca me fait vraiment peur et en même temps – vous parliez d’intelligence humaine – on a besoin de vivre ensemble, avec les autres, on ne peut pas se dire : voilà, il faut de la productivité . Donc a contrario peut être va t on revenir à l’essentiel. J’ose espérer que nos politiques ne vont pas laisser faire ce genre de choses

Dominique : ce ne sont pas les politiques qui commandent ; ils laisseront faire.
La modernisation ne pose aucun problème, on évolue depuis des millions d’années…
Le problème, c’est juste le partage. Les robots travailleront à notre place, on travaillera une heure par semaine : très bien. Si on a le même salaire, les mêmes conditions de vie, tout va bien. En aucun cas le robot est le danger.
Le danger c’est le partage. Si ceux qui possèdent les robots gardent l’argent pour eux, là il y a danger. Mais si l’argent est redistribué, il n’y a pas de problème.
Et s’il suffisait pour nous, citoyens de voter pour des politiques qui le font, il y a longtemps qu’on l’aurait fait. Les politiques ne décident plus de ça, ce sont les grands capitalistes qui décident – de tout.
On disait : on a les politiques qu’on mérite, mais ça c’était valable il y a 150 ans, les politiques ne maitrisent plus rien, c’est le grand capital qui maitrise. Et notre voix citoyenne elle ne compte plus. Les politiques sont des marionnettes qui sont à la solde des grands lobbys et comment renverser cela, c’est la vraie question.
Quel autre système proposer ? Plusieurs ont été essayés, aucun n’a abouti : on en reste au capitalisme. Il y a un mouvement de décroissance, de dé-consommation : c’est intéressant mais qui est prêt à ce retour en arrière ?

Y : « Comment y arriver ? » à mon sens, plus par des actions individuelles qui font changer un système. Qui est prêt à changer, qui est prêt à rentrer ? Ca dépend de votre philosophie, de votre parcours. Il semble qu’aujourd’hui, une sorte de mouvement dans la société civile se met en œuvre et davantage de gens pensent à un autre mode de vie.

Jerome : tout est question de taille critique, en effet les politiques ne suivent plus rien, ça fait 200 ans qu’on a démissionné du pouvoir politique en donnant le pouvoir à des beaux parleurs en fait, des gens qui n’ont rien à voir avec nous, que vous soyez ouvriers, médecins ou chirurgiens, même si un chirurgien peut gagner beaucoup d’argent après des années d’études et de travail.
Aujourd’hui on les confond avec les ultra-riches des gens qu’on ne voit pas qui nous sont totalement transparents et on nous montre des gens qui ont un bon métier.
Mais il faut chercher comment réduire les inégalités et comment forcer au partage.
Les ultra-riches ne partagent pas ; comme les GAFA (google, amazone, facebook, apple) qui ont comme 700 milliards de dollars d’actifs : plus que le PIB de la France !
Ces mecs-là sont juste inattaquables. Aujourd’hui quand n’importe quel politique essaie de négocier avec eux, il part avec des miettes et il est limite menacé.
Mais aujourd’hui, il nous faut réfléchir comment renverser la chose, comment faire .
Soit on fait à nos échelles à nous, soit on prend les armes : ce sera une vraie boucherie ; ou on boycotte. Le boycot est un moyen de coercition énorme pour ces gens là. Ils vivent sur notre consommation. Si on décide que Coca cola nous colle des cancers et du diabète, on arrête d’acheter du coca cola.

Pascale : Oui, en effet ; c’est une histoire de transition urbaine, de voir différemment, de faire des essais à petite échelle ; de se balader en vélo, de consommer autrement et d’être acteurs. Sur facebook je ne sais pas si vous connaissez freeyourstuff nc on peut partager des choses gratuitement,ce sont des petites choses par rapport à google, des petites choses mais ça peut améliorer le quotidien

Colette : une intervention positive ! Je redonne donc le nom de ce site freeyourstuff

Pascale : un nom anglais pour un site calédonien, allez savoir pourquoi. Il y a eu aussi la journée de transition urbaine à Rivière salée et je fais partie de Maleva, la permaculture et il y aura le 16 septembre un parcours en vélo allant d’action citoyenne en action citoyenne : on ira voir entre autres des gens du groupe de Tina à qui on donne des vélos qui ne servent plus, pour qu’ils les réparent et les redonnent à d’autres.

Dominique : il me semble que freeyourstuff c’est international

Pascale : Avec toutes les personnes que j’ai rencontrées quand elles ont un jardin , je partage les plantes, on passe un très bon moment. Il n’y a pas d’argent. On visitera le 16 septembre les jardins partagés de Rivière Salée, une dame zero déchet. On va faire cela en vélo. C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de pistes cyclables, mais plus on aura de vélos plus il y aura de pistes cyclables et moins on aura de problèmes de santé, de diabète. Quand on va au travail en vélo on se sent vraiment mieux.
Ce sont des petites actions pour aller mieux

Colette : je vais clore le débat sur cette note optimiste et bien réfléchir sur notre façon d’agir ; parce que même quand on passe par freeyourstuff on utilise internet.

Béatrice : pour terminer, j’ai un champ à Bourail, je cherche un robot pour le défricher à ma place, si seulement quelqu’un avait un robot qui arrache les lianes…

Colette : merci d’être venus ; on se dit à dans un mois pour un documentaire sur …
Sylvie : « du poison dans l’eau du robinet ?» !

à l’auditorium de la Province Sud

un documentaire de Philippe Borrel ( 2017 ; 1h 10)

Depuis vingt ans, les politiques ne parviennent plus à endiguer le chômage de masse et le plein-emploi apparait comme le symbole d’un passé révolu. Les machines « intelligentes », plus fiables et moins coûteuses que les humains, sont en passe de nous remplacer tandis que l’essor des algorithmes contribue à l’automatisation croissante du travail.
Prochaine cible de cette 4ème révolution industrielle : les cols-blancs, le cœur de la classe moyenne, en France comme partout ailleurs dans le monde.
À la marge, du côté de la société civile, idées et initiatives se multiplient pour tenter de faire face à cette disparition du plein-emploi.

Ph. Borrel mène l’enquête à la rencontre de chercheurs, d’entrepreneurs, de citoyens, d’industriels ou de lanceurs d’alerte, au cœur de ce monde en transition : une société débarrassée du mythe de la croissance à tout prix pour accéder à la pleine activité de tous : tel est l’enjeu de ce 21e siècle.