Dernière Goutte ? le Débat
Intervenants :
— Mme Kahina Meziani CDE Calédonienne des Eaux :
— Thierry Blaisot ADUSIP (Défense Usagers Services d’intérêt public) :
Mme K Meziani (CDE) : la Calédonienne des Eaux est une société privée, du groupe Suez ; c’est abusif de dire que l’eau est « privée » : les collectivités restent maitres du jeu par une « délégation de service public » ; il existe divers modèles de délégation allant de la simple gestion aux gros investissements ; mais ce sont les collectivités qui fixent les conditions du contrat. Par ailleurs un réseau d’eau dure 40 ans
D : Dans le documentaire, c’est dit par la Commission Européenne ; Quand c’est bien fait, tout va bien …
Mais QUAND le contrat est mal ficelé ?? le documentaire nous montre des cas très lourds ; bien sur il y a responsabilité de la collectivité
KM Quand les collectivités lancent des appels d’offre, elles s’appuient sur des conseillers privés ; mais les prévisions en volume sont souvent pharamineuses – pour obtenir un prix avantageux- d’où ces marges sécuritaires de 20%
Th B (Adusip) Nous avons mené un combat il y a 7 ans sur l’affaire du Grand Tuyau : 31 décembre1998 (!) signature d’un contrat inique avec des conditions loufoques par les 4 maires du Syndicat Intercommunal du Grand Nouméa .
En 2008 la Chambre Territoriale des Comptes se réveille. Elle dénonce l’absence d’appel d’offres, d’études préalables et de cahier des charges !! dans l’attribution du marché à la Calédonienne des Eaux (Suez )
Point remarquable : sur ces contrats on invoque le « secret des affaires ». Or c’est peut être bon pour Suez mais pas dans une perspective d’intérêt public ! Il y a confusion des genres.
Il a fallu à notre petite association faire appel a la Cada (Commission d’accès aux documents adminstratifs) pour découvrir peu à peu l’énorme arnaque et la corruption avérée… Le système politique d’alors était ultra réactionnaire et la construction du grand tuyau a été entachée d’ irrégularités.
En 2012 la Chambre des comptes fait une proposition de rachat du grand tuyau.
La Cour des comptes nationale a suivi en 2013 mais seulement des aspects très partiels ont été repris
En 1990 on s’est basé sur une estimation de consommation de 450 l/hab/jour ; alors qu’en Europe on utilise 145 l/jour ! Pour sécuriser l’approvisionnement, on a fait le grand tuyau pour apporter davantage d’eau – alors qu’on aurait pu et du réduire la consommation.
KM Le grand tuyau a été demandé par les 4 collectivités . Il a permis que l’hôpital soit mis à Dumbea
Quant à la corruption, attention : personne n’a été inculpé, ni condamné pour quoi que ce soit
M Avec ces contrats secrets, on peut avoir des doutes légitimes sur l’honnêteté et l’équité
C : Absence d’appel d’offres sur un marché public aussi important ? On peut se poser des questions sur la démocratie
B à Bourail la distribution d’eau est assurée par Novella une entreprise qui fait des routes et de terrassements
D il faudrait expliquer pourquoi il n’y a eu ni jugement ni sanction : parce que la procédure judiciaire est longue, complexe et coûteuse et le combat judiciaire se mène aussi dans les formes : une erreur de numéro de dossier, une échéance non respectée et l’affaire est perdue ; c’est ce qui s’est passé
TB
C’est vrai, le combat était inégal ; tout se passait au
Tribunal Administratif. Nous avons pu obtenir des documents
révélateurs, mais il n’y a pas eu de conséquences
réelles. Au départ, il y a eu un document d’une
dizaine de pages qui disait : il n’y qu’une commune qui n’a
pas besoin du grand tuyau c’est le Mont Dore.
KM Depuis les années 90 la population a augmenté et c’est bien d’avoir la ressource mais il faut savoir utiliser les captages. Il y a des conditions de turbidité ; si l’eau est marron au robinet notre entreprise a des problèmes
MH une taxation sur le traitement d’eaux usées du Mont Dore
TB en effet il y a eu un problème d’assainissement et de taxation car les conditions juridiques sont mal ficelées par les communes.
Ch Pour revenir au documentaire, je vois plusieurs problématiques
– intérêt privé vs intérêt général ; la planète va manquer d’eau ; l’eau est un bien commun qui ne doit pas servir d’abord à faire faire toujours plus de bénéfices aux sociétés privées
–
quels contrôles de la population faut il organiser sur ces
contrats ?
R
Les sociétés gestionnaires de l’eau font plus que distribuer,
elles peuvent désaliniser l’eau de mer, elles nettoient les eaux
usées pour les rendre potables.
E Pour limiter le gaspillage, pourquoi pas un tarif variable du prix au m3
KM : Dans certaines collectivités c’est ce qui se fait. Ne croyez pas que nous nous désintéressons de l’environnement, au contraire ;autour de moi, il y a des passionnés. Suez a le plus grand laboratoire d’Europe pour faire de la recherche, et finance même le CNRS. La Mairie de Paris est encore un contrat avec Suez.
En Province Nord on a un problème de ressource : on fait payer plus, les gros consommateurs. L’investissement qui a été fait pour les 7 stations a rendu l’eau consommable mais l’Europe ne veut pas qu’on l’utilise alors que c’est fait dans d’autres pays. Les lobbyistes chinois et australiens ne travaillent pas comme nous, qui travaillons avec les collectivités à rechercher de nouveaux modèles de gouvernance.
Dans le documentaire, en Irlande on veut mettre des compteurs afin de trouver des fuites et c’est une coût énorme pour les collectivités .
J On devrait s’inspirer des modèles qui marchent. Les australiens sont confrontés à la sécheresse depuis longtemps et chaque maison doit avoir son eau recyclée ; en NC depuis 30 ans on paie 76 millions fcfp pour repeindre les murs bombés alors qu’en Australie les bombes ont été supprimées à la vente…
Suez Nous sommes aussi dans les innovations. Par exemple, nous avons mis en place le télérelevé pour repérer les fuites et ne plus avoir à se rendre sur place
D en Irlande avait t on besoin de compteurs individuels pour les fuites ? c’était plutôt pour la facturation :
Par ailleurs il faut se donner les moyens d’un contrôle citoyen effectif. Incroyable, ces contrats « confidentiels »
Les citoyens n’ont pas toute l’énergie nécessaire pour intervenir en permanence, il faut trouver les procédures ad hoc.
Surtout avec l’Union Européenne, sourde à la demande de 2 millions de personnes pour changer le droit de l’eau.
TB A t on vraiment besoin de sociétés privées pour gérer l’eau, les aéroports, les autoroutes ? surtout quand ils sont profitables !
Dans les cas de remunicipalisation de l’eau, il y avait un gain de 20%. Les fuites d’eau en NC sont de l’ordre de 20% c’est normal ; mais les principales fuites sont entre compteur et robinet : à cause des vieux tuyaux
Ch il est temps de conclure ; reste posée la question de choisir une gestion privée ou publique pour des biens indispensables comme l ’eau ou l’air ;
Va t on nous imposer aussi des compteurs à air ?
Une société privée a d’abord comme objectif les profits de ses actionnaires, alors qu’une société publique est censée agir dans l’intérêt général
TB : exemple des aérodromes de Paris ; un référendum nous est proposé
Parmi nous, ceux qui ont déjà signé la pétition peuvent ils lever la main ?
Réponse du public : environ .. 10 % !!
TB Comme citoyens, nous avons donc encore de gros efforts à faire pour participer aux processus démocratiques Mais il faut dire que les médias nous en informent très peu, de même que sur les problémes de l’eau
Ch Hé bien justement je vous annonce notre prochaine projection,
à la FOL sur .. les Gilets Jaunes : « J’veux du soleil
Ce sera le vendredi 18 octobre à 18h
A bientôt donc !
Intervention suite à la projection du film « Jusqu’à la dernière goutte ».
Le film portait principalement sur les privatisations des services de l’eau potable au profit de multi nationales comme Vivendi, Veolia, Suez Eaux…
Il se dessine, au moins en France, un large mouvement de remunicipali- sations des services de l’eau. Cette reprise en main par les municipalités contribue à une économie non négligeable de l’ordre de 20 %.
J’ai été invité, en tant que président de l’association locale : Association de Défense des Usagers des Services d’Intérêt Public (ADUSIP).
À l’origine, cette association fut créée dans le but de contester le contrat inique liant le syndicat intercommunal du Grand Nouméa (SIGN), à la suite du premier rapport publié par la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie (CTC-NC), publié en 2008, portant sur les conditions malsaines qui ont abouti au contrat de construction de l’aqueduc du Grand Nouméa en fin 1998.
Pour le contrat d’investissement d’intérêt public de l’Aqueduc du Grand Nouméa de 8 Milliards de francs CFP, on retrouve la plupart des ingrédients du film. il n’y eut :
– aucun appel d’offres,
– aucune étude préalable
– aucun cahier des charges.
Par contre, il y eut :
– le secret des affaires,
– la corruption reconnue et avouée
– l’assujettissement du monde politique local à la multinationale
– un contrat de très longue durée (50 ans)
– des frais de fonctionnement étalés sur 50 ans d’environ 50 Milliards de fcp
– et il y a toujours le gaspillage voulu et entretenu de l’eau potable.
– et surtout une dérive intolérable d’un capitalisme ultralibéral, n’apportant aucun service réel et pillant les biens publics.
Où est la société capitaliste dynamique, preneuse de risques, créatrice d’économies et d’emplois ?
Quand une société multinationale comme Suez choisit de s’emparer de pans entiers de la fonction publique, il est clair qu’elle ne prend aucun risque, elle s’assure une véritable rente de situation en devenant une sorte de « fonction publique » privée par délégation.
Cette situation n’a strictement aucun intérêt public. Elle coûte très cher à l’ensemble des contribuables et citoyen(ne)s.
En France, après le scandale de la privatisation honteuse des autoroutes au profit de groupes comme Vinci, le gouvernement actuel met à la vente notre plate-forme de niveau international des aéroports de Paris (ADP).
Si les lectrices et lecteurs de ce court article veulent affirmer leur citoyenneté, il serait temps qu’ils participent à la proposition constitutionnelle de demande de référendum d’initiative partagée (RIP) en allant remplir le formulaire sur le site suivant :
https://www.referendum.interieur.gouv.fr/soutien/etape-1
Thierry Blaisot
Président de l’ADUSIP,
Référent pour la N-Calédonie d’ANTICOR association nationale de lutte contre la corruption