La Sociale : compte rendu

Séance du 19 avril 2017 DEBAT sur le documentaire LA SOCIALE

DG: propose un débat en 2 parties, une sur la sécurité sociale en France, la seconde plus calédonienne

H Je viens de découvrir ce personnage fabuleux Ambroise Croizat, je suis étonnée et contente de connaître celui qui a inventé et mis en place notre système de protection sociale

X1 : J’avais entendu parler du Conseil National de la Résistance, j’ai fait des études médicales à la faculté en France … mais je n’ai jamais entendu parler d’Ambroise Croizat !

C l’Histoire est toujours l’Histoire officielle, et l’Histoire est toujours l’Histoire des vainqueurs

X2 :L’histoire de Croizat, je la connaissais, j’ai aussi aimé celle de ce vieux syndicaliste, mais pas cet historien prétentieux qui raconte  l’histoire de la Sécu ; et c’est un film de propagande, avec la critique du responsable syndical CFDT, ou le portrait de Che Guevara au mur de celui du responsable CGT

DG : Propagande, ou confrontation de deux Histoires ?

Ph ce film m’a beaucoup touché. Ici les véritables dirigeants de la Cafat ce sont les directeurs, que l’on connaît mieux que les présidents de la Cafat. On pourrait faire une comparaison entre les systèmes de protection sociale calédonien et français

DC : Les cadres de la sécurité sociale ignoraient le nom d’A. Croizat mais pas celui de Laroque. J’ai été médecin généraliste puis j’ai travaillé dans des instances de sécurité sociale avant de venir en NC. Au cours de mes études de médecine ou de sécurité sociale on ne m’a jamais parlé de M. Croizat

D1 : Même l’actuel ministre du travail ignore le nom de son illustre prédécesseur !

L: Le terme de « propagande » pour ce film m’a choqué. La propagande, on la subit tous les jours via les média. Le célèbre dictionnaire Larousse avait enlevé Croizat ; « Fakir » l’a obligé à le remettre.
Il y a eu en N-Calédonie un mouvement de grève quand on a sorti les enseignants de la sécurité sociale ; ils ont demandé que les fonctionnaires soient représentés à la CAFAT ; on ne l’a pas obtenu.

DM : Ce documentaire vient à point nommé : un comité d’experts de santé publique vient de classer les candidats à la Présidence par rapport à la Santé sur un panel de mesures à prendre (tabac, alcool, surpoids..) : 1er de la classe Mélenchon 20/20, dernier Fillon 2/20. Je vous engage à consulter le compte rendu dans Le Monde (article du 26 février)…

X2 mon père communiste m’a expliqué comment ça s’est passé à la fin de la guerre. Quand un parti est au pouvoir, il cherche à effacer ce qui a précédé; il ne faut pas s’en étonner.
La création de la Sécu, c’était juste et ça correspond à une époque ; mais maintenant les gens se servent de ce système à leur profit personnel : le raisonnement ne doit pas être binaire : il faut une sécurité sociale, mais actuellement on s’en sert plus qu’on n’aide.

DG: En 1984, roman d’Orwell, on efface le nom de ceux passés de mode ; Croizat était communiste…

DC : Médecins, nous en avons marre d’une gouvernance qui n’est pas réaliste.
Oui ce sont les pionniers qui ont permis au peuple d’avoir gain de cause. Et moi représentant de médecins, je suis content d’avoir pu découvrir M. Croizat.
Mais il faut aussi insister sur la protection de nos concitoyens en Calédonie car ils ont des comporte- ments non compatible avec la santé. Il y a les maladies inévitables et celles qu’on peut éviter !
Je me rappelle à Ouvéa où il existait une officine et dans cette officine, il y avait des supports visuels pour expliquer aux gens et ça marchait bien. Nous allions dans les écoles.
Actuellement les médecins font de la médecine curative et non préventive et on manque de repères pour informer. C’est un vrai problème, ce manque d’explications sur le système de santé .
Les gens pensent avoir des droits d’être soignés, mais pas de devoirs pour éviter de tomber malade.

Ch : N’oublions pas tous les bienfaits de la sécurité sociale. Au quotidien on en bénéficie sans même s’en rendre compte. J’ai découvert que c’est parti d’une idée généreuse et qu’actuellement beaucoup veulent se régaler, et ils y arrivent, en découpant la Sociale par tranches, comme un saucisson.

X3 : Quand on entend certains dire « redonnons du pouvoir d’achat aux gens » pour justifier de sortir de la Sécu, je suis étonné : les charges patronales sont en fait une partie du salaire ; et si on sort pour faire une économie à court terme , on se condamne à ne pas assumer le gros risque qui nous arrivera un jour

DG : Le fameux « trou » de la sécurité sociale (cumul de ses déficits successifs) fait souvent la une des journaux télévisés . Mais on ne nous donne pas tous les éléments pour en comprendre les causes.
En fait on fait payer à la Sécurité Sociale des charges non prévues au départ (comme le Fonds de Solidarité Vieillesse) alors qu’on lui a retiré des recettes comme les taxes sur l’alcool et le tabac…
En outre en 95, Juppé a initié une réforme lourde : ne plus monter les cotisations et , pour gérer la dette qui en résulte, créer la CADS (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) laquelle … investit et spécule avec l’argent des cotisations ! (cf imprimé distribué ; 12 milliards d’euros d’intérêts en 8 ans)

DC : Bien sur, avec une population vieillissante, les couts de santé ont augmenté depuis 45 ; mais aller chez 3 médecins pour avoir des avis différents, c’est une façon de consommer de la santé

Ch : Il faut comparer les avantages de la sécurité sociale avec ce qui se passerait si elle n’existait pas …

L : Dans les frais de la Sécu, il faut mettre en perspective les gens qui vont consulter 2 fois et les frais détournés par les marchands de médicaments (et leurs lobbies) à des prix sans rapport avec les couts de production ; les exemples ne manquent pas

DC : Je voudrais rebondir sur des éléments objectifs. Pour les ouvriers il y a a eu un autre rapport en France. Actuellement il y a des consommateurs de soin. On ne peut se contenter de dire « y’a qu’a prendre les bénéfices des laboratoires ».

X2 Ce n’est pas idiot de vouloir conscientiser des gens : si un enfant a un traitement cancer c’est cher. 1945 ce sont des gens de droite, de gauche, des français d’opinion différente qui s’entendent. On peut unir des gens qui n’ont pas tous la même façon de penser.

DG Pour 45 le film souligne le contexte spécifique de l’après guerre. En faudra t il une nouvelle pour travailler tous ensemble ? Ou alors une méga crise économique…

X4 La notion de petits risques qu’avancent les assurances privées par rapport aux gros risques c’est pour faire avaler la pilule car des gens n’auront plus les moyens de se prendre en charge

X5 Qu’est ce qui est rentable et qu’est ce qui l’est pas ?
Je me demande si ce qui ce passe a la sécurité sociale n’est pas un processus normal : quand la vie est difficile les gens deviennent solidaires, donc si la guerre est finie il y a moins de solidarité jusqu’au moment où les gens devront être solidaires. On est plutôt au creux de la vague

Ch : 5 millions de chômeurs 7 millions de pauvres, Où est le seuil critique ?

L: Oui, Jusqu’où faut il descendre pour devenir solidaires ? Les poulpes sont aussi intelligents que les hommes sauf que la maman poulpe meurt à la naissance des petits. Les hommes ne peuvent ils transmettre ce qu’ils savent ? pour que les guerres ne reviennent pas ?, il faut éviter …

: A l’époque, les gens étaient solidaires depuis longtemps mais ont eu ce moment là pour mettre en place ce qu’ils voulaient, ils ont réussi avec ce rapport de force à mettre, comme en Espagne. Je rejoins la pensée du précédent, il y a des cycles, des essoufflements, il faut se rappeler l’histoire. On n’arrive plus à répondre à certaines attentes et il faudrait que la prévention soit plus importante qu’à la sortie de la guerre

DG donne lecture d’un article récent des Nouvelles qui exhorte les calédoniens à changer d’hygiène de vie. La croissance des dépenses est 7% par an. Il faut économiser 150 milliards sur 10 ans.
Do Kamo est le nouveau plan du système de santé à mettre en place : pour ne pas dépenser trop il faut rester en bonne santé (!) et changer de comportement par une responsabilisation individuelle et collective. Mesures urgentes à venir : ticket modérateur et gel des dépenses de santé publique.
Puis D1 cite des médecins de la fonction publique territoriale : pour eux
– Il faut cesser de culpabiliser les patients et s’attaquer à la principale source de dépenses : les lobbies médico-économiques, notamment à l’oeuvre sur le projet de Médipole ;
– il faut préserver une médecine de proximité, former les cadre de santé extra nouméens, trier toutes ces urgences pour éviter un engorgement fallacieux du Médipole ;
– Il n’y a guère de réflexion de fond sur la pratique de la médecine ; avec le ticket modérateur on continuera de dépenser sans réfléchir, our des médicaments ou des actes inutiles, ce sont les patients qui sortiront l’argent de leur poche

Ph le financement de la santé en France est supérieur à celui de la NC. Personne ne veut prêter à la CAFAT aujourd’hui . En NC il y a donc un équilibre financier.
La CAFAT a un avantage  : elle a un système unifié (en France il y a le CNAS, la NSA et le RSI –régime social des indépendants- trois systèmes de santé ce qui augmente les dépenses).
Le système en NC est transparent : la CAFAT édite ses comptes chaque année, il y a la Chambre Territoriale des Comptes.La situation a été très favorable jusqu’à 2011 puis il y a eu un décrochement de l’économie. Si les dépenses augmentent de 7% par an, elles doubleront en 10 ans.
Il faut insister sur les maladies évitables et non évitables.

L Une économie de 15 milliards de francs, c’est peu au regard du milliard d’euros que la France a sorti pour donner à Vale, KNS et la SLN ou aux 14 milliiards accordés aux agriculteurs calédoniens . Ce sont des choix politiques et non économiques.

DM : Je rebondis sur « changer notre comportement ». Il faut savoir que 90% de nos comportements sont dictés par notre environnement. Les maladies chroniques sont des maladies de société. La réponse ne peut pas être médicale. Surtout avec un paiement à l’acte. Il faut inventer une troisième médecine entre la médicine libérale et l’hopital.
La réponse est aux mains des hommes politiques qui seuls peuvent changer l’environnement.
Un petit changement d’environnement entraine de nombreux changements de comportements individuels et un effet santé bénéfique évident ; à l’inverse pour obtenir le même effet bénéfique il faut un très grand nombre de changements individuels de comportement.

X : Politiques qui ont autorisé l’importation de maïs transgénique en 2016…

DC : Savez vous le coût d’un patient calédonien est 60% de celui d’un patient métropolitain ?
Entre 1980 et 2010 l’espérance de vie a augmenté de plus de 12 ans.
Mais en 1989 sont arrivés… les supermarchés avec ces boites de toutes couleurs sur les rayons.
On n’est pas arrivé à mettre une taxe sur les produits sucrés pour les consommateurs et les importateurs, ce qui a provoqué l’intoxication de gens n’ayant pas accès aux messages, c’est à dire des océaniens entre 45 et 80 ans. Il faut voir le rapport Sulky

Fl : Oui il faut parler du rôle clef de l’environnement. Et il faut passer l’information à la population et arriver à un certain consensus pour créer une pression populaire.
Ainsi nous venons de créér l’association Terre de Santé pour produire des articles de fond et communiquer vers les diverses populations afin que les politiques suivent

M: J’ai constaté l’ouverture de la restauration rapide juste en face des lycées du Mont dore et du Grand Nouméa, du Médipole…
Tout le monde a le choix entre la malbouffe et la bouffe. La santé c’est le problème de tout le monde.
Dans le film les cotisations patronales étaient de 4% aujourd’hui en NC on en est à 45% de charges sociales.
Le système de santé est accaparé par des gens qui s’en fichent. Exemple la gestion des risques, c’est 30 jours à 100% pour le patron, 30 jours à 90% et 30 jours à 66%. J’ai assisté à un colloque avec des patrons au bout du rouleau.
Les médecins sont devenus des commerçants pour pouvoir conserver leur clientèle.
Heureusement depuis deux ans l’arrêt médical est prolongé par le médecin qui a fait l’arrêt initial. La CAFAT devrait avoir plus un rôle de Watchdog, de gendarme contre les abus. Le système de santé est en faillite.

C: Pourquoi la santé d’un calédonien coute t elle moins cher que celle d’un métro ?

Ph la population calédonienne est plus jeune. C’est dans la dernière année de vie qu’on dépense le plus, l’équivalent de tout le reste. Le cout de santé d’un calédonien par an revient à 400 000fcfp.
93 milliards de FCP sont réservés aux soins et 1à 3 milliards à la prévention…

: On est libre, on a le choix ? C’est faux !
Prenons l’exemple du sucre : on n’arrive pas à mettre en place une législation pour un taux de sucre raisonnable pour ne pas devenir dépendant, on n’a pas pu mettre d’interdiction à Quick ou à Mac Do, jusqu’à côté des établissements scolaires.
Pour interdire les OGM, ça a été refusé malgré une pétition de 10000 signatures

C Une association ne peut faire passer des idées politiques. Elle est composée de gens avec des projets de société différents ; elle ne peut faire passer et promouvoir une vision politique unifiée de la société.

R la retraite fait partie du CLR alors est elle comptabilisée à la CAFAT ?

D2 la CAFAT assure les Calédoniens pour leur retraite. Les fonctionnaires sont au CLR. Le régime de retraite de la CAFAT est de solidarité ; et le budget de la CAFAT est obligatoirement à l’équilibre

DG : Pour approfondir ces thèmes je signale
Trou de mémoire ou trou financier» sur Arret sur Images un débat très instructif avec le réalisateur
– et un livret pédagogique d’accompagnement du film « La Sociale ».
Nous les tenons à disposition des intéressés éventuels.

R: Peut on connaître les grandes lignes du projet Do Kamo, le plan calédonien de santé  ?

Ph Il faut réformer notre modèle de santé et protection sociale qui est en difficulté.
En termes de lois sociales tout dépend du congrès. Mais pour le financement c’est le Gouvernement.
Il y a eu un vote à l’unanimité pour la délibération sur le plan Do Kamo en mars 2016, c’est à dire que l’ensemble de la société calédonienne est d’accord pour changer le modèle sur 2 volets :
1) pour modifier le comportement vis à vis de la santé d’abord en situant le calédonien dans son environnement c’est à dire un être en relation
2) revoir le cout des soins. Quelle santé veut on pour la Nouvelle Calédonie ?
Les textes sont accessibles sur le site du gouvernement de NC en recherchant Do Kamo (l’être épanoui) et il y a un livret d’accompagnement .

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *