En Guerre : le débat
mardi 9 avril 2019
Compte Rendu du débat
Christian rappelle les consignes de prise de parole : se présenter, être concis, écouter
Rappel
des intervenants
Cherifa Linossier : CPME (Petites et
Moyennes Entreprises)
Séverine Blaise : Economiste
Véronique Chedemaille Schmidt : USOENC
David
Meyer : Fédération des Fonctionnaires
Cécile Cordari :
Directrice de Ressources Humaines
Gérard Sarda : Ligue
des Droits de l’Homme LDH NC
MEDEF : excusé
Ir : c’est un film très réaliste, une fiction documentaire qui a une furieuse résonance avec la crise des gilets jaunes de Métropole et en Europe, des gens qui se battent contre une classe qui les broie. Ces directions d’ usine qui mettent des gens sur le carreau… Comment un DRH peut il vivre en mettant en place des licenciements, comment peut on s’en sortir avec ce genre de travail ?
DRH
Moi
non plus, je n’aimerais pas faire ce travail.
En NC je n’ai
pas eu à le vivre. Je suis dans un centre de soins de suite et
réadaptation où le dialogue social est très fluide, sans problèmes
financiers, avec échanges entre les acteurs.
Avant,
en Métropole, j’ai été à la direction d’un hôpital de 2000
personnes avec d’énormes difficultés financières qui a même été
placé sous administration provisoire (de Paris) pour redresser la
situation ; il y avait des conflits sociaux beaucoup plus
difficiles qu’ici.
J’ai remarqué dans le film cet espèce
de MUR entre des gens qui parlent avec leurs tripes et d’autres qui
parlent argent et chiffres. Cela m’a frappée, cette absence
d’interlocuteurs ou de réponses : se heurter à un mur de
silence est stérile, très frustrant.
Normalement le chef d’un
établissement hospitalier dispose d’une marge de manœuvre ;
mais au dessus de l’hôpital que je dirigeais il y avait une agence
régionale de santé ARS qui ne nous donnait pas tous les soignants
nécessaires On se sent alors pris en tenaille.
Dans le film le
directeur ne se mouille pas, ne fait rien. Je supporterais très mal
d’être à cette place là
Sony :
le seul acteur professionnel, c’est vraiment Vincent Lindon ?
Christian : Oui, Tous ceux qui jouent sont concernés leur rôle. Brizé a fait un casting énorme. Depuis l’usine « Perrin » a été fermée, celle de Montceaux aussi ! Acteurs : des ouvriers qui y travaillaient
Val : Question : Est ce le type de situation à laquelle on doit se préparer dans les entreprises calédoniennes ?
Usoenc :
moi je suis plutôt pour le dialogue, ce sont les valeurs de mon
syndicat. J’ai déjà vécu des conflits. La difficulté c’est de
tenir bon. Quand on est déterminé on peut aller jusqu’au bout.
De plus il y a la DTE (Direction du Travail et de l’Emploi)
qui fait médiation. Grâce à cela, dans le secteur tertiaire où
je me trouve on arrive à trouver un terrain d’entente.
Dans
le film, ce qui est dommage c’est que l’Etat n’a pas joué son
rôle.
Ir :y a t il aussi des rivalités syndicales en NC ?
Usoenc : parfois ; l’idée c’est de négocier ensemble, mais le dialogue, ce n’est pas toujours évident, il faut arriver à se mettre autour d’une table
David
M : oui, la rivalité syndicale, ça existe ; pour gagner en
représentativité, pour avoir les subventions qui en découlent. Par
contre, on essaie de travailler dans l’intérêt des salariés.
Majoritairement on essaie de se battre ensemble. On est passé d’un
syndicalisme d’opposition à un syndicalisme de propositions et un
syndicalisme juridique.
Mais la loi n’est pas en faveur du
salarié :
vous êtes licencié ? si vous n’avez
pas une lettre, vous n’avez pas de chèque.
Licencié à
tort ? Le tribunal peut condamner l’entreprise mais elle ne
vous réintégrera pas pour autant !
En NC ce qui se passe dans le film peut nous arriver ; exemple la diminution du nombre de postes dans le secteur public. Je pense aux copains de la SLN : pour moi c’est tout à fait possible
CPME :
je voudrais remettre l’accent sur l’Humain.
Pour moi dans
le film le conflit apparent est entre salariés et patrons ; en
fait ce sont tous des salariés !
Attention à bien
distinguer les patrons « de gestion » (cadres de
direction ou PDG des grosses boites) et les patrons de patrimoine
(les entrepreneurs)
Ce qui me choque dans le film c’est qu’en
permanence on oppose des gens entre eux. Alors que le dialogue social
c’est hyper important.
Les rivalités existent aussi au sein
du patronat. Avec le Medef, parfois on se bat ensemble, parfois nous
sommes en conflits ; et même si je représente 1080 chefs
d’entreprises, j’ai été bousculée par des patrons comme leader
syndical.
Croire qu’aller au Medef pour défendre un dossier
va permettre de réussir est erroné ; nous n’avons pas le
pouvoir qu’on nous prête.
En accord avec David : ces
risques de fermetures sont présents ici aussi ; on a tout
intérêt à se parler.
Surtout en cette période, où il y a
une profonde mutation dans l’économie du travail.
Dom :
trois questions
– Pouvez vous définir Crise, un mot tabou en
NC ?
– Quel sera le bond des actions Eramet quand la SLN
va fermer ?
– La Banque Publique d’Investissement (BPI)
intervient elle en NC ?
CPME :
Pour la BPI : On a mené le combat pour proposer des
produits qui n’existaient pas au sein des banques calédoniennes.
La BPI nous disait : on ne peut pas mettre en place ce système
en NC parce que vous êtes en F cfp et qu’il y a un décalage
horaire, c’est trop compliqué en NC. Ils n’ont alors mis en
place que 3 misérables produits.
Le dossier a du être porté
au niveau de l’État pour obtenir : prêts à taux zéro,
prêts innovation…
On a du mener des combats en tant que
syndicat … patronal.
Crise ?
j’ai perdu ma boite, 11 salariés : c’est ma crise à moi.
Mais pour la NC, elle a vécu largement au dessus du niveau
international : ce qui se passe actuellement est donc très
relatif
Si la SLN tombe, oui, ce sera un choc pour les grosses
et petites entreprises qui sont interdépendantes
J Que signifie le mot crise pour une économiste, quel futur pour la NC ?
Sev :
en effet, il y a eu un ralentissement du à la baisse du prix du
nickel.
Sur le marché des matières premières le prix est
cyclique, il y a des boum puis des crises.
C’est vrai que la
NC a fait le choix d’une économie minière qui a du mal à se
mettre en place pour des problèmes techniques de Vale et de KNS. La
mine devrait représenter 25% du PIB si elle fonctionnait bien et les
politiques publiques peinent à diversifier l’économie et avoir
d’autres relais de croissance.
Il faut arrêter le « tout
nickel ».
Did :
pour moi le mot crise est très ambigu ; en économie ce n’est
pas un phénomène objectif, accidentel, d’origine externe comme en
médecine ; et ce n’est pas la crise pour tout le monde ;
ainsi les dividendes du Cac 40 se sont accrus de plus de 10% l’an
dernier.
Et dans un article du quotidien local, j’ai
noté cette phrase d’un patron de NZ
« ce
n’est pas pour améliorer le sort des pauvres qu’il faut
appauvrir les riches »
en référence à la théorie (bidon) du ruissellement : Plus on
donne aux riches plus ça coulerait vers les autres…
Absurde !
Dans un gateau (le PNB) si certains n’ont pas assez, il faut bien
prendre aux trop lotis.
On nous raconte parfois n’importe
quoi, soyons vigilants
Pour
l’ETAT, Ce film montre nettement son impuissance, il est ligoté
par les multinationales et la finance mondialisée « les
marchés » ; on peut aussi s’interroger sur le rôle de
l’Union Européenne…
Mic :
Justement, Viviane
Reding
(ex Vice Présidente de la Commission Européenne et Commissaire à
la Justice et aux Droits fondamentaux) a déclaré publiquement
«
il
faut savoir qu’il n’y a plus de politiques nationales mais une
politique européenne – à travers les GOPE (Orientations Générales
de Politique Economique) qui sont des directives européennes.
Si
l’on se trompe à notre niveau, les gouvernements appliquent .. et
tout s’aggrave ! »
Ir : ce qui fait frémir, c’est qu’on parle de croissance économique et continuum de profits et qu’il y aura de plus en plus de crises dans tous les domaines car on a de moins de ressources naturelles et on continue dans cette folie
Chr :
Question au représentant de la Ligue des droits de l’homme ;
en France : il y a 6 millions de chômeurs, une étude a
recensé 16 000 morts dus au chomage.
A comparer aux 400 morts
de moins par vitesse limitée a 80 km/h ..
Est ce qu’en
France on va vers plus de droits humains ?
G
S : Que dire ? Les droits humains ne sont pas respectés.
Aux niveaux national et international ce sont des rapports de
force qui s’expriment.
Le Conseil Constitutionnel va à
l’encontre des droits de l’homme quand il confirme certaines
limites au droit de manifester. Le rôle de la LDH :être le
gardien vigilant des Droits
Avec le système en place, on voit
des patrons toucher 500 fois le salaire de leurs ouvriers ( Ghost..
et d’autres) Avant la guerre le salaire du patron ne dépassait pas
trente fois le salaire de ses ouvriers.
Y1 :
La fin du film est un terrible constat d’échec
Le citoyen
français a le droit de manifester mais s’il est cagoulé… il y a
des limites.
Le capitalisme sauvage amorce un nouveau
tournant ; il faut que les mouvements d’opposition se
structurent, soient solidaires, pour être forts face au pouvoir. Le
mouvement des gilets jaunes est légitime mais avec les excès la
population leur apporte moins de crédit.
Je suis pour la
décroissance. Ce capitalisme sauvage ne peut plus durer il ne faut
pas laisser sur le bord du chemin toute cette classe moyenne
Margot :
je voudrais juste rebondir sur la comparaison des gilets jaunes.
Dans le film un groupe est uni au départ mais au fur et à
mesure il n’y a pas d’interlocuteur.
L’Etat n’a plus de
pouvoir et à force de se heurter au silence des « responsables »
la colère grossit.
Pour moi ce ne sont pas des casseurs, mais
des désespérés ; la colère pour survivre.
On peut les
accuser de se cagouler, d’être violents
Mais le silence
accentue la haine, ce sont des gens qui luttent, et on n’a rien
sans rien
Chr :
Brizet le réalisateur du film a dit
« on regarde
souvent la violence qui est devant
les caméras, et pas la
violence qui est derrière
ou en amont »
Les médias n’en parlent jamais !
J :
En NZ , tout est ouvert 24 sur 24 7j/7 il y a des petits travaux pour
ceux qui n’ont pas de retraite.
Les gens sont contents.
Beaucoup d’emplois sans contrats dans les années 60, les
syndicats ont réussi à négocier. Comment voyez vous une éventuelle
ouverture sur une économie libre ?
Did :
En NZ les excès du libéralisme font aujourdhui problème, c’est
un fait reconnu. Des mesures correctives ont du être prises –
notammentcontre les inégalités de revenu.
L’absence de
régulation a fait beaucoup de victimes, chez les agriculteurs, les
vieux, les indigènes…
Il y en a eu des dégâts et des gens
laissés au bord de la route avec cette économie libérale
Usoenc
Nous n’avons pas du tout les mêmes bases de protection que dans
leur système.
Nnotre président rencontre le président
chinois et fait des affaires ; pourquoi il n’y a pas des
règles au niveau des salaires il y a une trop grande différence
entre les riches et les pauvres.
Quand on voit certains devenir
de plus en plus riches et d’autres qui doivent payer une taxe sur
l’essence, il arrive un moment où les gens se révoltent .
Christian :
attention, les cotisations patronales ne sont pas des « charges »
mais un salaire différé pour organiser la protection sociale.
On
prétend qu’il s’agit d’assister les retraités, alors que
c’est un droit pour ceux qui ont cotisé .
David :
sur l’économie libérale de la NZ : notre Medef critique la
fonction publique NZ ; mais si sur le papier la croissance est
super, par contre l’accès au soin ne se fait que si on a de
l’argent.
le modèle ultralibéral NZ mène vers de très
grandes inégalités
Nos voisins ont amputé la classe moyenne
et multiplié les profits des grandes entreprises
beaucoup de
barrière pour la protection de marché si c’est bien utilisé on
est pour des petites entreprises qui ont des protections on a des
contrats d’objectifs
Y2 : dans le film, les employés ont fait des sacrifices pendant des années ; en NC on nous parle aussi d’efforts à demander au secteur privé : quelles seraient les mesures nécessaires ?
David :
des travaux sont en cours dans la fonction publique ;
Bref
état des lieux : fonctionnaires d’état ; leur nombre
est stable ; l’effectif total d’agents dans le public a
diminué ; les contractuels remplacent les fonctionnaires à la
retraite ;
fermetures de poste mais la qualité du service
public doit demeurer
C’est particulièrement visible dans le
secteur de la santé
Enseignement secondaire : c’est
l’état qui finance
Dans le futur on va dématérialiser pour
Nouméa
Pour la brousse les dépenses de fonctionnement
diminuent, celles d’investissement restent stables
21h : Le vigile nous demande gentiment de clore la séance ; à la prochaine !
deux vidéos à regarder si l’on peut s’en donner .. le temps 😉
– https://www.youtube.com/watch?v=cuDJlfaySEo
un montage de 18 mn met en parallèle saisissant deux formes de violences collectives et leurs médiatisations
par les grandes chaînes de TV présentant des réactions scandalisées devant le saccage des Champs Élysées
par des réseaux sociaux exposant des licenciements massifs (au nom du profit, comme dans le film) et le pillage quasi institutionnel des biens publics
– https://www.youtube.com/watch?v=DhatJrzh21s
9 mn d’un cinéphile emballé par la dimension réaliste exceptionnelle du film
pour un éclairage pertinent de ce docu fiction particulièrement riche (crise, inégalités, violence, medias, syndicats..) on vous recommande l’entretien avec St Brizé
http://diaphana.fr/wp-content/uploads/2018/04/en-guerre_dp_web_fr-2.pdf
les détails viennent heureusement compléter notre vision perso